4.3.08

ISRAEL FRONT NORD : "LA REGION VIT SUR UN VOLCAN"


Israël aurait renforcé ses positions aux frontières avec le Liban et la Syrie


Analyse de Khaled Asmar - Beyrouth

mardi 4 mars 2008 - 10h38, par Khaled Asmar
MédiArabe.Info

Plusieurs sources font état, ce matin, d’informations alarmistes qui convergent sur l’imminence d’une opération militaire d’envergure dans la région. Au moment où le blocage politique est total au Liban et la crise de confiance entre Arabes et Syriens menace la tenue du sommet arabe de Damas, et au moment où la Syrie continue d’alimenter et d’exploiter la crise à Gaza pour camoufler son ingérence au pays du Cèdre, les informations alarmistes prennent toute leur ampleur.

En effet, un site libanais croit savoir, ce matin, que les responsables politiques et militaires libanais ont été informés du « déploiement de huit régiments israéliens sur la frontière israélo-libanaise et israélo-syrienne (dans le Golan), où une vingtaine de bulldozers ont préparé le terrain pour les blindés ». Le même site ajoute que « les réservistes israéliens ont reçu des instructions par des minimessages (SMS) ». Selon la même source, « la marine israélienne a dépêché trois destroyers dans les eaux internationales, au large du Liban, et que les batteries de missiles anti-missiles de type “Patriot” ont été déployées dans l’Etat hébreu où les autorités ont mis au point toutes les mesures de protection et de sécurisation des populations civiles ». Enfin, on apprend de même source que « l’armée syrienne et le Hezbollah surveillent cet activisme militaire israélien soutenu. Les responsables du parti chiite libanais auraient évacué leurs familles en Syrie pour les mettre à l’abri », comme ils l’avaient fait quelques jours avant l’opération du 12 juillet 2006, qui avait provoqué la guerre des 33 jours. Cette évolution intervient au moment où des informations circulent au Liban sur l’imminence d’une opération d’envergure que le Hezbollah pourrait mener pour venger Imad Maghnieh.

D’autre part, le quotidien saoudien « Al Watan » affirme ce matin que la tension est très palpable dans la région. La population du Sud-Liban craint une reprise de la guerre et commence à quitter la bande frontalière vers le nord. Plusieurs familles se sont déjà réfugiées dans la région de Saïda, alors que d’autres ont demandé à leurs proches établis à Beyrouth de préparer des logements qui pourraient les héberger, au cas où la situation se dégradait.

Les plus pessimistes s’appuient sur les appels à la prudence lancés par Riyad et Koweït aux ressortissants saoudiens et koweïtiens au Liban, et sur l’évacuation des familles des diplomates saoudiens à Beyrouth, pour donner à leur alarmisme tout le sens du mot. Ils estiment que « la résolution 1803 du Conseil de sécurité de l’ONU, votée hier lundi (3 mars 2008) par 14 des 15 membres du Conseil (l’Indonésie s’est abstenue), et instaurant de nouvelles sanctions contre l’Iran, serait l’un des derniers actes qui précèdent l’intervention militaire contre la République islamique ». Or, une telle intervention, ajoutent-ils, aura ses lourdes répercussions sur le front israélo-libanais et israélo-syrien. Ce qui explique le déploiement massif de Tsahal dans la région.

D’autres points de vue, moins pessimistes, estiment au contraire que les agissements israéliens et américains, notamment l’arrivée du destroyer USS Cole au large du Liban, ne sont que des gesticulations destinées à mettre en garde le régime syrien contre sa politique suicidaire et contre son entêtement à s’ingérer dans les pays voisins (Liban, Irak, Palestine) et à y répandre l’instabilité, seul moyen pour assurer sa propre survie. C’est ainsi que les adeptes de cette théorie expliquent le silence complice des pays arabes à l’égard du massacre israélien à Gaza. Contrairement à leurs populations, les régimes arabes sont en effet conscients que « les Palestiniens subissent les conséquences de leur propre politique, et récoltent les fruits des tirs de roquettes commanditées par Damas ». Bien que la réaction israélienne ait été démesurée et disproportionnée, et qui n’aurait été suspendue que le temps de recevoir Condoleeza Rice à Jérusalem et à Ramallah, aucun pays n’a pu réellement la critiquer. Au contraire, les Monarchies du Golfe, l’Egypte et la Jordanie sont particulièrement remontées contre la Syrie, à qui elles reprochent d’utiliser les Palestiniens comme « chair à canon ». Elles menacent de boycotter le sommet arabe qui est prévu à Damas à la fin mars.

Or, l’échec de cette réunion sonnera le décès effectif de la Ligue arabe, déjà « cliniquement morte », mais menacera aussi le régime du Baas syrien, particulièrement isolé et tétanisé par la perspective du Tribunal pénal international qui doit juger les assassins de Rafic Hariri. L’opinion publique soupçonne unanimement le régime syrien de vouloir incendier sciemment la région, pour négocier son immunité devant le Tribunal, et fait monter la tension à cette fin.

Les gesticulations militaires et les démonstrations de forces débouchent-elles sur un conflit militaire régional ? ou au contraire, préparent-elles le terrain aux négociations ?

La question est d’autant plus posée que Damas ne s’oppose pas à l’idée d’une rencontre avec les Israéliens à Moscou, et exploite Ankara comme « boite aux lettres » pour s’ouvrir sur Tel-Aviv. Reste à savoir si les Israéliens acceptent cette main tendue, et s’ils sont prêts à assumer la poursuite du « harcèlement » syrien par Hamas et Hezbollah interposés, et enfin, s’ils font encore confiance à un régime qui a érigé le mensonge en mode de gouvernance ? Or, si les négociations israélo-syriennes reprenaient, comment Damas gérera-t-il la question du Hezbollah et son alliance avec l’Iran ? Comment se débarrassera-t-il des dirigeants palestiniens qu’il a hébergés et exploités ? Cette perspective renforce les soupçons qui pèsent sur les Services syriens dans l’assassinat du chef militaire du Hezbollah, Imad Maghnieh. Son élimination à Damas serait ainsi un premier acompte versé pour acheter la pérennité du régime.

Khaled Asmar