24.9.08

LES VERTUEUX DE L'INFO

Egypte : histoire d’un couac médiatique

Lundi soir, les desks des agences de presse étaient en effervescence à propos des touristes enlevés en Egypte.

Cinq Italiens, cinq Allemands et un Roumain sont aux mains d’une bande de pillards, celles-là même qui détroussent et rançonnent régulièrement les convois humanitaires à destination du Soudan.

A 22 h 22, Reuters s’empresse de faire parvenir aux rédactions dans le monde la nouvelle de leur libération.

Aussitôt, les textes défilants des télévisions d’information en continu, ceux qui apparaissent au dessous de l’image pour donner l’impression de la réactivité, annoncent la bonne nouvelle.

BFM, I Télé sont du nombre.

Il faut dire que la source n’était rien de moins que le Ministre des Affaires étrangères égyptien. Il s’exprimait depuis New York, où il doit participer à l’Assemblée Générale de l’ONU.

« Ils ont tous été relâchés, sains et saufs, et en bonne santé » a déclaré le ministre.

On imagine la joie des familles allemandes ou italiennes à la lecture des sous-titres de leurs télévisions favorites. On croyait les otages au Soudan, les voilà libres.

Les pleurs de joie, les coups de fil aux amis, à la famille : « Ils sont libres ».

Alors, en si peu de temps, la rançon de 6 millions d’euros a pu être versée ??? Ou alors, une opération militaire ???

Toutes les suppositions étaient permises. Et chacun de louer l’efficacité des services de renseignements égyptiens.

Couac

A 23 h 11, un communiqué émanant de la capitale égyptienne vient tempérer un peu l’enthousiasme.

Un porte-parole du gouvernement égyptien déclare : Il est "prématuré" d'annoncer la libération des touristes enlevés dans le sud-ouest du pays et précise de manière laconique que les négociations se poursuivent.

Vers 11h le lendemain, l’Allemagne indique qu’elle a pris les choses en main concernant ses otages. Ils ne sont plus en Egypte - on le savait - mais sont toujours au Soudan.

Mieux, les ravisseurs, conscients de leur célébrité, exigent désormais 15 millions de dollars de rançon.

« L'Egypte a envoyé des officiers des services de renseignements au Soudan pour travailler avec les autorités en vue de la libération », a dit à l'AFP un responsable des renseignements sous couvert d'anonymat.

D'après des informations de presse non confirmées, les ravisseurs menacent d'exécuter les otages si les autorités égyptiennes tentaient d'approcher par avion ou hélicoptère du lieu de détention.

Inutile de commenter la déclaration erronée du ministre Egyptien. Sans doute a-t-il pris ses désirs pour des réalités. Il ne faudrait pas que l’Egypte soit encore victime de la désaffection des touristes.

Etre emmené au Soudan par des hommes armés n’est pas une perspective réjouissante pour quiconque veut simplement visiter la vallée des Rois.

Ce ministre sera peut-être, mais rien n’est moins sur, « averti » pour cette faute de goût.

Pour les chaînes de télévision, la recherche du scoop a été la plus forte. L’info, immédiatement, sans délais, avant que quelqu’un en parle....VIIIIITE !

Il faut être le premier. A Jérusalem aussi, en 2000, Charles Enderlin voulait être le premier.

Et plus personne ne pense aux familles des otages qui ont passé une nuit dans l’angoisse après avoir connu l’euphorie de la libération.

De cela, les agences de presse n’en ont rien à faire. Et elles invoqueront, comme toujours, comme d’habitude, à chaque nouvelle non confirmée, à chaque faux scoop, leur bonne volonté, leur désir de bien faire.

Trompée, qu’elles ont été, à l’insu de leur plein gré, comme disait un célèbre cycliste.

Puisqu’on vous dit que l’information est vertueuse !

© Primo