20.5.09

La Turquie joue sur tous les tableaux


ERDOGAN

Par Yvan Eisenbach
pour Guysen International News


S’exprimant au cours d’une conférence samedi 16 mai à l’Université d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie, le président turc Abdoullah Gül a déclaré que « le problème ne se terminera pas tant que les Palestiniens n’auront pas leur propre Etat. Les territoires syriens et libanais occupés devraient être libérés ».Après les tensions de l’hiver dernier liées à la guerre de Gaza entre Israël et le Hamas, la Turquie entend bien faire valoir son importance dans la région en rejouant les médiateurs entre la Syrie et Israël. Une place privilégiée qui l’autorise apparemment à tous les commentaires sur le conflit israélo-palestinien.
Pour le président turc, la paix relève de la responsabilité de tous. Il a d’ailleurs spécifié que « mettre la pression sur un camp uniquement [Israël en l’occurrence, ndlr] n’est pas productif ».

S’exprimant après une rencontre avec son homologue syrien, Bachar al-Assad qui avait eu lieu la veille au cours de son premier jour de visite en Syrie, Abdoullah Gül a indiqué que son pays souhaitait aider les Etats arabes, y compris la Syrie, à faire la paix avec Israël.

Enfonçant le clou, il a néanmoins précisé que l’Etat juif « doit au préalable accepter tous les accords passés, Annapolis et la Feuille de route », et s’engager à la création d’un Etat palestinien.

Lors de cette conférence de presse commune avec le président Assad, le président turc a enjoint Israël à travailler au rétablissement des négociations de paix avec la Syrie, ajoutant qu’Ankara était prête à poursuivre son rôle de médiateur entre les deux pays.

Pourtant les pourparlers buttent toujours sur le même point : la restitution du Golan, annexé par Israël en 1967. Un point sur lequel le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a récemment déclaré qu’il ne ferait aucune concession.

De son côté, Bachar al-Assad a souligné l’importance de la médiation turque dans les efforts de paix israélo-syriens. « Le rôle de la Turquie est primordial parce que nous faisons confiance à la Turquie » a déclaré le président syrien au quotidien turc anglophone ‘Today’s Zaman’.

« La Turquie est indépendante, objective et réaliste. S’il y a d’autres pays qui pensent pouvoir faire office de médiateur, ils doivent avoir les mêmes qualités » a-t-il affirmé, faisant référence à la volonté d’autres pays, la France notamment, de s’impliquer dans les efforts de paix israélo-syriens.

Au cours de la dernière décennie, les relations entre la Syrie et la Turquie se sont nettement améliorées, passant de l’hostilité à la coopération dans de nombreux domaines.

La Turquie a notamment joué le rôle de médiateur entre la Syrie et Israël en 2008. Néanmoins, les négociations de paix ont été stoppées nettes avec l’opération ‘Plomb-durci’ dans la bande de Gaza à l’hiver 2008-2009.

Ce n’est pourtant qu’en 2003, lorsque la Turquie avait refusé de coopérer militairement avec les USA au moment de l’invasion de l’Irak que la Syrie a cessé de considérer Ankara commet un valet de Washington.

Aujourd’hui, l’indépendance de la Turquie n’est plus à prouver. En 2005 par exemple, Ankara a préféré conclure un accord d’armement avec Israël d’un montant de 185 millions de dollars plutôt qu’avec Washington.

Les USA refusaient en effet de vendre des drones à la Turquie de peur qu’elle ne s’en serve contre les rebelles kurdes dans l’est du pays. Se tournant vers l’Etat juif, la Turquie a acheté 10 drones d’attaques ‘Heron’ de manufacture israélienne.

Toutefois, si la Turquie entend se rapprocher politiquement d’Israël en faisant d’une pierre deux coups avec la Syrie, ses exigences passent avant tout. Ankara envisage à l’heure actuelle d’annuler ce contrat d’équipement militaire au motif qu’Israel Aerospace Industry (IAI) et Elbit n’ont pas tenu leurs engagements.

Les compagnies israéliennes en charge de la fabrication de ces drones ont effectivement dépassé leurs délais. Elles étaient censées livrer les drones il y a un an déjà. Des sources militaires turques, citées dans la presse locale, ont expliqué que les entreprises israéliennes rendaient le fournisseur turc Aslan responsable du retard.

Pour IAI, le principal problème est l’appareil d’enregistrement visuel développé par Aslan qui serait trop lourd et empêcherait le drone d’atteindre l’altitude de 30 000 pieds prévue dans le cahier des charges. Pour les turcs cela ne serait que des excuses techniques destinées à gagner du temps et éviter de payer des amendes pour non respect des clauses du contrat.