27.5.09

Procès Fofana: agacement et émotion


Retour d'un long week-end avec épisode de gastro pour certains, repos loin de Paris pour d'autres, et boulot pour ceux qui gèrent d'autres dossiers d'assises en même temps. Une chaleur étouffante dans la salle d'audience ce lundi, des accusés énervés dans leur box, et des avocats en nage sous leurs robes. Youssouf Fofana, qui avait mis une chemise blanche de marque versace sur un pantalon noir, a fait le malin toute la journée, agaçant la cour, jusque dans les rangs des avocats de la défense, avec lesquels il a décidé de ne plus parler directement. Quand l'un d'eux a une question pour lui, Fofana ricane, baisse la tête, et se tourne vers la présidente, indiquant ainsi qu'il ne répondra qu'à elle. Puisqu'il avait promis en début de semaine dernière qu'il n'adresserait plus la parole qu'à trois personnes dans la salle: l'avocat général, Philippe Bilger, me francis Szpiner, conseil de la famille Halimi, et la présidente, Nadia Ajjan. Celle-ci a donc passé sa journée à répéter les questions au principal accusé.



Le matin, la Présidente indiquait qu'elle n'avait pas pris de décision concernant maître Isabelle Coutant-Peyre, avocate récusée par Fofana mercredi dernier(voir Newsletter N° 927). Elle s'est déclarée incompétente pour trancher, et a annoncé qu'elle attendait plutôt une réponse du barreau. Me Coutant-Peyre ayant en effet été commise d'office, sa récusation n'est pas si simple que Fofana l'exige.



La cour a terminé l'examen du cas de Michaël Douieb, enlevé et tabassé en janvier 2006 par Fofana et sa bande. Youssouf Fofana, qui bégaie et avale la moitié de ses mots, a dit qu'il avait été content de voir couler le sang de Mickaël Douieb, le jour des faits. La mère d'Ilan Halimi a fait face à ces mots, imperturbable, dignement murée dans son silence.



Ont ensuite été abordés les cas Marc Krief et Jérémy Ledoux, deux personnes qui ont reçu des appels en janvier 2006. Des cibles finalement abandonnées. C'est Audrey L., habitante de la cité du Prunier Hardy à Bagneux qui devait servir d'appât pour ces hommes. Elle avait 24 ans, était la maîtresse de Jérôme R., et cherchait «un plan thune». Jérôme lui a présenté Youssouf à la fin de l'année 2005. ce dernier lui a expliqué qu'elle devrait appeler un homme pour lui fixer rendez-vous à Sceaux, où il était prévu qu'il serait enlevé. Pour ça, il était prévu qu'Audrey L. toucherait 3000 euros, si toutefois le travail était bien fait. Elle devait dire qu'elle s'appelait Léa ou Natacha, qu'elle était strip-teaseuse. C'est comme ça qu'elle a rencontré Marc Krief, dans un magasin de téléphones portables, boulevard Voltaire à Paris. Quand Fofana a emmené Audrey L. en repérage à Sceaux, elle a compris ce qu'il voulait vraiment. Elle a refusé d'aller plus loin, il s'est mis en colère. Elle n'a pas cédé.



Youssouf Fofana a indiqué hier que Jérémy Ledoux avait été une erreur de parcours. Il avait bien «senti» au téléphone qu'il «n'était pas juif». Mais pour Marc Krief, c'était différent: «je le sens que c'est un juif séfarade», a-t-il insisté. A Jérémy Ledoux, qui tenait absolument à savoir comment Fofana et les filles ont obtenu son numéro de téléphone, Youssouf Fofana a dit qu'il comprenait l'importance de sa question, qu'il était désolé, qu'il ne répondrait pas tout de suite, mais plus tard peut-être. Une avocate: «Fofana continue de s'imaginer qu'il conserve du pouvoir sur les gens présents à l'audience, il réserve ses réponses, il chuchote à certains avocats, qu'à eux, il acceptera peut-être de parler en direct parce que leur patronyme n'est pas douteux. Il croit jouer avec nous tous.»



Et puis, séquence émotion hier. Avec l'examen du curriculum vitae de Gilles Serrurier, le gardien d'immeuble qui a fait passer les clefs du logement vide où a été détenu Ilan Halimi. Son avocate, Françoise Cotta, l'a présenté sans effet théâtral, sans en rajouter, simplement. C'est un homme qui n'a jamais connu sa mère, élevé par sa grand-mère, puis placé dans un foyer où il est violé. En prison, il a tenté de suicider, parce qu'il pense tous les jours à Ilan Halimi et qu'il se sent coupable du calvaire subi par le jeune homme. Il a dit combien il s'en voulait, combien il regrettait. Avec sa première femme, devenue schyzophrène, il a eu une fille âgée de 19 ans aujourd'hui. Elle est venue à la barre hier, dire combien elle aime son père, tout ce qu'elle lui doit. Et puis elle est partie, lui a envoyé un baiser dans le creux de sa main. Il pleurait dans le box. Les larmes ont coulé sur les joues d'une femme jurée, sont montées aux yeux de quelques avocats.



Aujourd'hui, la cour entre dans les faits Ilan Halimi. Deux policiers, dont les rapports sont largement contestés, viendront à la barre.



P.S: Le procès se tient à huis-clos. Aussi, ce blog est-il écrit à partir d'informations recueillies auprès de personnes qui assistent à l'audience, et dont, bien entendu, nous taisons les noms.




Source: Blog d'Elsa Vigoureux - mardi 26 mai 2009