3.7.09

Sciences : une guerre des étoiles ?



Israël pourrait être en perte de vitesse dans sa "conquête de l'espace" régionale. La vigilance est de mise.

Photo: Bloomberg , JPost
Le général de réserve Haïm Eshed est inquiet. Ce scientifique de 69 ans qui dirige depuis trente ans le programme spatial au sein du ministère de la Défense craint que, faute de financement nécessaire, Israël perde son avance qualitative sur les autres pays du Moyen-Orient qui, comme l'Iran, cherchent à se doter de capacités spatiales.

Pour l'heure, Israël est en tête de peloton dans ce domaine, mais l'Iran, l'Egypte, l'Arabie Saoudite et d'autres nations de la région se sont mis à investir des ressources sans précédent pour élaborer des stations de lancement sur leur propre sol.

"L'Iran a compris qu'il faut de la matière grise pour aller dans l'espace, c'est pourquoi il distribue des bourses à ses jeunes pour qu'ils aillent étudier", a expliqué Eshed au Jerusalem Post dans une interview exclusive. "Il sait que l'avantage que détient Israël réside dans son capital humain."

On peut estimer qu'Eshed fait partie de ce capital. Jeune colonel dans les services de renseignements militaires, il avait souligné qu'Israël devait développer des capacités en matière de satellites à la suite de la signature du traité de paix avec l'Egypte. A l'époque, Eshed était déjà une sorte de héros au sein de l'armée israélienne. En 1967, il reçoit la médaille du mérite des mains du chef d'état-major pour avoir élaboré un système qui était - et qui reste, 42 ans plus tard - top secret.

"J'avais compris que, avec la paix à notre porte, nous ne pourrions plus survoler le Sinaï pour recueillir des renseignements et que la seule façon de savoir ce qui se passait dans la région serait de la surveiller d'en-haut, au moyen de satellites", se souvient-il.

Alors chef du département Recherche et Développement des services secrets, Eshed rédige donc une proposition, qui se retrouve entre les mains du ministre de la Défense Ezer Weizman avant d'atterrir sur le bureau de Menachem Begin. Celui-ci approuve le financement du projet en 1980.

"Je suis persuadé que, si nous avons si vite accepté de nous retirer du Sinaï, c'est parce que nous savions que nous avions la capacité de fabriquer un satellite", affirme-t-il.

Le premier satellite israélien, l'Ofek 1, a été lancé le 19 septembre 1988. Avec lui, Israël entrait dans le club très fermé des nations capables de lancer des satellites de leur sol. Ce club qui comprend aujourd'hui les Etats-Unis, la Russie, la France, le Japon, la Chine, l'Inde et le Royaume-Uni, vient de voir arriver un nouveau membre : l'Iran.

"Au début, nous avons été très mal vus", raconte Eshed. "Israël était un tout petit pays qui venait d'être créé et qui cherchait à se doter de capacités dont disposaient seulement les deux superpuissances : les Etats-Unis et l'URSS."
Mais cela n'a pas arrêté Eshed et, au cours des vingt années qui ont suivi son premier pas dans l'espace, Israël a lancé quinze satellites. Le dernier en date a décollé d'Inde en juin 2008.

Contrairement aux satellites espions des séries Ofek et Eros, TecSar est l'un des rares dans le monde à utiliser la technologie des radars à la place des caméras. Ce qui lui permet de créer des images à haute résolution d'objets terrestres, quelles que soient les conditions climatiques, même à travers les toits des maisons, sauf pour les structures en béton.

Multi-usages

Les satellites servent à toutes sortes de missions : suivre l'avancée du programme nucléaire iranien, par exemple, ou transmettre des communications et des images aux troupes opérant derrière les lignes ennemies, comme lors de l'opération Plomb durci, dans la bande de Gaza. Si les informations fournies par les médias étrangers sont exactes et que l'armée israélienne a bien bombardé un convoi de munitions au Soudan en janvier dernier, c'est sans doute aussi grâce aux satellites, sans parler du bombardement en septembre 2007, d'installations nucléaires syriennes, quelques semaines avant leur mise en fonction.

Conformément au protocole, Eshed refuse de préciser quelles sont les utilisations exactes des satellites, mais fait part d'un usage largement étendu ces dernières années, ce qui permet à l'armée d'observer n'importe quel point de la planète. "Si le théâtre des opérations se situe à proximité d'Israël, les avions suffisent à l'atteindre, mais avec le terrorisme, il s'étend de plus en plus", explique-t-il. "Il suffit de regarder les rapports qui nous viennent du Soudan."

Comme pour les véhicules aériens sans équipage (UAV), dont Israël est le leader mondial, le pays est aussi considéré comme l'un des plus avancés en matière de "mini-satellites". Contrairement aux satellites "mammouths" américains, qui peuvent peser jusqu'à 25 tonnes, les satellites israéliens - mis au point et fabriqués par l'Industrie aérospatiale (IAI) - pèsent entre 300 et 400 kg. Actuellement, l'IAI travaille en outre sur l'élaboration de nano-satellites, qui ne pèseront que quelques dizaines de kilos et seront capables de fournir des services de communications pour les opérations militaires.

"Plus c'est petit, mieux c'est"

"Le monde commence à comprendre que, plus c'est petit, mieux c'est", déclare Eshed. "Un gros satellite coûte beaucoup d'argent à élaborer, à lancer et à entretenir." Et de faire part de son nouveau projet : les satellites "double usage", qui pourront appartenir en partie à des investisseurs privés - israéliens ou étrangers - et fournir des services, tant civils que militaires. Le ministère de la Défense reçoit déjà des images d'ImageSat International, une entreprise internationale, fournisseur commercial d'images haute-résolution de la terre prises par satellite.

S'il faut désormais des investisseurs privés, c'est que les budgets sont serrés : Eshed ne dispose que de quelque 100 millions de dollars, alors que les Etats-Unis, à titre comparatif, en investissent chaque année 50 milliards dans leurs programmes spatiaux.

Par YAAKOV KATZ
http://fr.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1246443704090&pagename=JFrench%2FJPArticle%2FShowFull